Récital du 5 juin 2024, en quelques mots.

La musique est un fabuleux outil d’expression et de communication. Elle prend le relai lorsque les mots nous manquent, lorsque les balbutiements de notre vocabulaire ne suffisent plus à rendre audible le message que nous souhaitons délivrer. Mais je dois reconnaître que dans la langue se cachent également bon nombre de trésors et que sa musique intrinsèque ne cessera jamais de m’émerveiller. Elle sert à la musique, bien sûr, puisque nous l’utilisons pour chanter, mais j’ai voulu lui donner une place de choix lors de mon récital de fin de bachelor à la haute école de musique de Genève, en défendant l’idée que, pour que le récital soit complet, il nécessite la lecture des quelques mots qui suivent ce paragraphe. Ainsi, au début de ce voyage en pensées, ce me semble être une bonne introduction à ce qui suivra et qui, par ailleurs, se laisse toute la liberté de ne pas avoir de forme prédéfinie. Merci de vous être attardés dans mes pensées, et bonne lecture !

Ce récital grandit en moi depuis des mois et les mots ne suffisent pas à exprimer à quel point je suis heureuse de vous le présenter aujourd'hui. J'ai cherché à vous proposer un programme qui me ressemble afin que vous repartiez avec l'impression d'avoir refait le monde avec moi pendant quelques heures.
Ladies and gentlemen ! Soyez attentifs. Je souhaite vous dire tout ce qui ne peut être dit autrement que par les notes choisies de ces compositeurs. Il est urgent de créer, de déborder d'envies, de s'exprimer, d'attraper ces espaces impénétrables. La musique est liquide et s'infiltre par tous les pores. Avec Isabella Gellis et Sebastian Robles, je voudrais mettre l’accent sur l'importance de jouer la musique du présent. Celle de notre temporalité, écrite par les témoins de notre époque. Rien de tel qu’une création, l’œuvre de Sebastian Robles qui m’accompagne sur scène, pour souligner cet aspect. De manières bien différentes, Isabella et Sebastian apprivoisent les mots. Tantôt un jeu, tantôt une poésie quasi mystique, le verbe est notre matière première. La source est bien vivante, à côté de nous, et c'est une richesse qu’il me semble difficile à estimer.
Chez Mozart cependant, il y a le feu de la légèreté. Despina en sait quelque chose, elle qui parle des choses de l'amour avec tant d'aisance. Ne sommes-nous pas tous faits d'os et de chair ? Voyons ! Jeune dévergondée, elle danse avec une simplicité mozartienne sur le ventre de Fiordiligi et Dorabella. Charmeuse de serpent, elle déshabille son innocence à une vitesse déconcertante. La jeune femme me rappelle les difficultés que l'on peut avoir à connaître son corps, le comprendre et l'assumer. Pour aller la chercher en moi, il a fallu descendre... et me découvrir. Tandis que la légèreté, chez Menotti, est une conversation téléphonique. Pas besoin de mots ici pour comprendre... que ce fut bien trop long ! Avec Menotti, j'explore ma joie d'être sur scène. La palette d'émotions que l'on peut atteindre dans le jeu est infinie, je m'en régale et je sens que je ne suis qu'à l'orée de ce que je pourrais atteindre.Je me plais à dire que je suis tombée amoureuse de nombreuses fois pendant mes années d'études à Genève. De nombreuses fois, mais surtout de celui dont nous fêtons le 150ème anniversaire cette année et à qui, par ce récital, je souhaite rendre hommage. Arnold Schoenberg (1874-1951) est entré dans ma vie avec fracas, dérangeant, avant de devenir un fabuleux compagnon de route. Je ne cesse de le découvrir, d'en apprendre sur lui, d'apprivoiser sa musique qui me retourne le cœur et dans laquelle je me retrouve tellement. J'ai voulu vous présenter deux pièces de périodes distinctes qui montrent un fragment de la richesse de l'œuvre de Schoenberg. Quoique l'on puisse dire, son lien avec la tradition est évident tout au long de sa vie, que ce soit dans ses Lieder (que l'on pourrait attribuer par mégarde à certains post-romantiques allemands, terriblement marqués de symbolisme) ou alors dans le Pierrot Lunaire, figure traditionnelle pleine de citations qui rappelle qu'il ne fait rien d'autre que d’écrire pour son époque. Écrire devient une question de survie, répond aux besoins d'un peuple, d'un temps meurtri et épouse certaines de mes émotions que je ne saurais exprimer autrement.
Oui, c'est ainsi. Ancrée dans le présent, le regard vers l'avenir, le cœur empli de reconnaissance pour les génies du passé, c'est ainsi que je vous parle, en espérant que vous repartiez avec un petit bout de flamme au coin du cœur et l'idée qu'il n'a jamais été aussi urgent de vivre et de s'exprimer. Je vous souhaite un agréable voyage, allumez vos cœurs, éteignez vos tourments et suivez-moi.

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De l’art de dilater le temps (partie 1)